Journée de Simon Kimbangu : au-delà de la liesse et de l’indignation, le message
Au-delà de la liesse des uns et l’indignation des autres, le message que renferme la vie de Kimbangu mérite d’être vulgarisé.


Désormais chaque 6 avril est un jour férié au Congo. Si certains applaudissent l’institution de cette journée pour la célébration du combat de Simon Kimbangu, et de la conscience africaine ; d’autres trouvent qu’elle n’a pas de place dans un pays laïc, qui de plus est économiquement faible. Au-delà de la liesse des uns et de l’indignation des autres, le message que renferme la vie de Kimbangu mérite d’être vulgarisé.
Une journée qui n’a pas sa raison d'être ?
Depuis que le Président Tshisekedi a décrété la journée du 6 avril comme jour férié, chômé et payé pour les travailleurs, on lit plusieurs réactions sur les réseaux sociaux. Les uns saluent cette décision, les autres par contre trouvent que c’est une décision populiste. Ils la qualifient d’une récompense aux Kimbanguistes pour leur soutien à la désignation de Denis Kadima, jugé proche du pouvoir, à la tête de la Commission électorale indépendante (CENI).
« Le Congo est un état laïc », « nous sommes le pays ayant le plus de jours fériés, chômées et payées », etc. disent ceux qui ne sont pas pour la décision. « Supprimons alors Noël sur la liste des jours fériés », « Avec 10 jours fériés, nous sommes loin derrière le record détenu par l’Argentine (19), l’Inde et la Colombie (18) », etc. rétorquent leurs co-débateurs.
Loin de cette polémique, je pense pour ma part que cette journée de célébration du combat de Simon Kimbangu, et de la conscience africaine, a toute sa raison d’être. Pour s’en convaincre, il faut d’abord se frotter à l’histoire pour découvrir le pourquoi.
Simon Kimbangu, mission et combat
Simon Kimbangu est l’un des personnages clé de l’histoire notre pays, le Congo. Il est né le 12 septembre 1887 à Nkamba (Kongo Central). Il est mort à l’âge de 64, soit le 12 octobre 1951, après avoir été arrêté, jugé et détenu pendant trente ans ininterrompus (soit trois ans de plus que Mandela.) à Lubumbashi.
Il est plus connu comme « guide spirituel » et « fondateur d’un mouvement religieux » qui avait pour mission de guérir et de prêcher les siens, et qui donnera naissance plus tard au Kimbanguisme. Le prédicateur Simon Kimbangu est aussi, pour la nation congolaise, le symbole du nationalisme et de résistance contre l’oppression coloniale (1).
Il est vrai que la date du 6 avril renvoie d’abord à la guérison miraculeuse sur Nkiantondo, une femme qui était gravement malade (1), ce qui marque le début de son ministère. Toutefois, le combat de Kimbangu, désormais célébré en cette date, transcende bien le cadre religieux. Ainsi ce qui est célébré, c'est la révolte pacifique, le désir d’émancipation, et la ferme croyance en un avenir meilleur face à l’oppression et à toute forme de domination.
Le courage qui doit inspirer toutes les générations
Témoin, et à la fois victime, de l’oppression et atrocités du système colonial belge, Simon Kimbangu a à sa manière et pacifiquement initier la prise de conscience du peuple congolais. Grâce à ses prédications, n’ayant aucun contenu politique, ni subversif, il a ravivé le désir d’une reconquête de la liberté perdue qu’il a qualifié de « dipanda dianzole » (la deuxième indépendance en langue Kikongo).
En déclarant que le noir deviendra blanc, et le blanc deviendra noir, il a planté dans l’esprit de ces auditeurs, non pas un germe de la vengeance raciste (1), mais le grain de l’espoir de l’avènement d’une société égalitaire dans lequel être noir ou être blanc ne symbolisera plus rien devant la loi.
Il faut saluer le courage de Kimbangu. Car durant son époque, toute parole ou tout acte qui menaçait l’ordre colonial était vivement récriminé et son auteur mis sous silence, en prison ou au bûcher. Le récit de son arrestation et du jugement inique qui était rendu à la suite de son procès démontre clairement ainsi cette volonté manifeste de le faire taire à tout prix.
À chaque fois que nous célébrons la journée du 06 avril, nous devons toujours nous rappeler que Kimbangu est un héros. Qu’on le considère comme une divinité ou non, il a contribué à sa manière à l’éveil de la conscience congolaise et africaine. Pour moi le combat qu’il a mené pacifiquement nous renvoie un message : face à l’oppression (interne ou externe), la reconquête de la liberté, de l’égalité et de l’avenir ne se paie qu’au prix d’un courage hors norme.
Note: (1) David Van Reybrouk (2010), Congo, une histoire